Il y a mille lunes en Mauritanie
Il y a mille lunes en Mauritanie.
Quelques-unes sont rouge feu et d´autres orange délavé.
Bleu argenté et gris volcanique, pierre poreuse qui absorbe la brume du désert.
Parfois, les lunes dansent avec leurs vapeurs de neige et le ciel est un spectacle que personne ne contemple.
La bande originale est l’appel à la prière. La mélodie sereine qui invite à ne pas s´endormir dans l’obscurité de l’hérésie.
Je m´approche d’une fenêtre, mais seulement me rend son regard le silence du soleil de septembre.Il y a mille lunes en Mauritanie.
Mais c’est l´Astre Roi qui tyrannise les champs arides et les peaux de tourmaline.
Elles, elles s´enveloppent en couleurs et leur gracilité devient l´air en printemps.
Eux, ils restent, comme les anciens baobabs, et la terre semble être à eux.
Je ne suis qu’une tubab qui regarde.
Des yeux qui s´éloignent de son nombril pour verser son inquiétude dans d’autres visages.
Une tête qui se penche sur les pieds du monde qui la soutient.
La voilée lumière du soleil du désert rentre par les grilles de la fenêtre. Elle me caresse les paupières et me bannit des bras de Morphée. C´est samedi. Ça fait un mois que je suis arrivée à Nouakchott et il semble que des mois se sont passés depuis mon arrivée. En même temps, il semble que je suis arrivée hier. Curieux quand même. Je me reconnais d´une autre façon de comment je peux être en Espagne. Je suis beaucoup plus calme, je vis chaque jour sans trop m’inquiéter, je me concentre sur l’apprentissage, la contribution et l’absorption de cette réalité si différente de la mienne.
Ça faisait longtemps que je souhaitais vivre une expérience sur le terrain, ce qui explique que je n´ai pas l´impression du shock culturel dont les gens parlent. La façon de travailler est assez chaotique, la chaleur torride et le trafic un désastre, mais rien n´est négatif selon mes yeux, sinon simplement distinct et, franchement, charmant.
J´habite avec mes trois colocataires sur le siège du Médicos del Mundo. En haute, les chambres. En bas, le bureau. Nos collègues sont tous très aimables. Ils nous serrent la main pour nos saluer et nous demandent chaleureusement comment nous allons. Ça va? Et ça va la journée? Et la chaleur? Et ça va la fatique? Et les activités? Au début, ça me faisait rire de recevoir autant de questions, mais maintenant je commence à comprendre. Nous mangeons tout l´équipe ensemble par terre, sur le sol de la cuisine. Thieboudienne. Du riz avec des légumes et du poisson. Avec des cuillères, depuis deux grands plats que nous partageons. Le repas est rapide et silencieux. J´adore la nourriture, même si j´ai trahie pendant ces mois mon âme végétarienne en mangeant le poisson.
Il y a toujours quelqu’un qui fait du thé à la menthe. Délicieux. Il passe avec un plateau et nous sert la boisson avec une sourire. Cela aide à plus aimer les heures de boulot. Pourtant, je ne suis pas normalement au bureau comme mes collègues. La plupart de la semaine, je vais à l´Hôpital Mère – Enfant, à l´Unité d´Attention à Victimes de Violences Sexuelles, pour accompagner les professionnels avec la prise en charge psychosocial. Ce n´est pas facile de travailler dans un contexte hospitalier si agité et précaire, mais je ressens que j´apprends beaucoup de la ténacité des assistantes sociales et sages-femmes et que, en même temps, je contribue à essayer de faire plus accueillante l´intervention avec les patientes qui arrivent chaque jour. Je trouve mon travail très passionnant. De plus, les semaines dernières j´ai aussi formé quelques médecins sur le volet psychosocial de la prise en charge des victimes des violences sexuelles.
Les weekends, les obligations étendent jusqu´à devenir un murmure qui ne se réveillera pas jusqu´à la prochaine semaine. C´est le moment pour explorer la ville : les marchés, les galeries, les dunes, les restaurants ; le moment de profiter du soleil et de la plage et, surtout, le moment de partager les apprentissages quotidiens avec les amis et amies trouvées dans le chemin.
Bientôt, la Mauritanie a commencé à faire partie de moi. Rien ne pourra jamais effacer l´empreinte qui imprègne à un cœur aventurier.
By Laura Carrillo, Senior EU Aid Volunteer Psychologist / Social Worker in Mauritania.